De Havilland DH-106 Comet

  • Avion de ligne quadriréacteur moyen-courrier britannique du début des années 1950.


    Le DH-106 Comet fut le premier avion de ligne à réaction au monde. Si l'Histoire en a retenu des débuts catastrophiques, dus à une structure trop fragile, on sait peut-être moins que ses défauts ont été corrigés. Non seulement ils ont servi à la conception de modèles plus réussis chez les concurrents (Boeing 707 ou Caravelle), mais le Comet lui-même eut une carrière finalement très longue, le dernier exemplaire ayant été retiré du service près de 50 ans après le vol inaugural.

    Tout commence en 1943, lorsque le comité Brabazon fut formé afin de déterminer les besoins britanniques en aviation civile pour l'après-guerre qui commençait à se deviner. Ce comité Brabazon proposa l'étude de 5 types d'appareils très différents, numérotés Type I à V. Sir Geoffrey de Havilland, faisant lui-même partie du comité, batailla en faveur d'un avion de ligne à réaction. Or, à l'époque, ces moteurs n'étaient pas vraiment au point, pas assez fiables et gourmands en carburant. Son point de vue fut cependant accepté et donna naissance au Type IV, un avion postal transatlantique avec une charge utile de 1000 kg et une vitesse maximale de 400 mph (640 km/h).

    De Havilland reçut un contrat de développement pour son Type 106 en février 1945. Le concept évolua fortement au fil du temps : les premiers dessins, avec une configuration bipoutre, rappelaient le DH-100 Vampire et se présentait comme un avion postal avec un compartiment pour 6 passagers. Puis, il évolua en un avion de ligne pour 24 passagers. De tous les appareils définis par le comité Brabazon, le DH-106 semblait le plus risqué, tant du point de vue financier que technologique.

    La BOAC s'intéressa à l'appareil et envisageait d'en commander 25 exemplaires. Mais le contrat passé en décembre 1945 n'en concernait plus que 10. Une équipe de conception fut formée autour de Ronald Bishop en 1946, et passa par divers stades, allant d'un appareil pourvu de canards à une autre configuration sans queue. Ces concepts furent tous rejetés, même si l'un d'eux donna naissance au DH-108.

    En septembre 1946, BOAC demanda à ce que l'appareil soit capable d'emporter 36 passagers. Ronald Bishop, lui, décida de passer à une configuration plus conventionnelle, avec une aile en flèche de 20°. Les empennages horizontaux restaient droits. Le fuselage était élargi et comportait une allée centrale. Enfin, les réacteurs Rolls-Royce Avon, nouveaux à l'époque, remplaçaient les Halford H.1 Goblin prévus à l'origine. Ils étaient placés par paire à la racine des ailes.

    L'appareil ainsi redessiné reçut le nom de Comet en décembre 1947. La BOAC et British South American Airways avaient commandés au total 14 exemplaires, dont les livraisons étaient attendues à partir de 1952.

    Le Comet étant le premier avion de ligne à réaction, de sévères tests de fatigue furent effectués de 1947 à 1948 sur des parties de l'appareil. Le vol inaugural eut lieu à Hatfield le 27 juillet 1949, avec John Cunningham aux commandes. Il reçut l'immatriculation G-ALVG juste avant d'être présenté au salon de Farnborough de cette année. Il fut rejoint par un second prototype, G-ALZK, en 1950. Ils se caractérisaient par un train principal doté d'une roue unique, qui sera remplacée par un bogie à 4 roues sur les modèles de série. A partir d'avril 1951, ce second prototype sera employé par le BOAC Comet Unit, afin d'entraîner les équipages et de tester la faisabilité des trajets. Ces tests prirent 500 heures de vol. Qantas envoya sa propre équipe pour juger l'appareil.

    Le Comet est un quadrimoteur à ailes basses cantilever, de construction entièrement métallique. 4 membres d'équipage prenaient place dans le cockpit. Une aile à flèche légère, faisant office d'immense réservoir de carburant, était encore quelque chose de nouveau à l'époque. Les passagers étaient disposés sur 4 sièges de front, séparés par une allée centrale. S'il avait approximativement la longueur d'un Boeing 737-100, il emportait moins de passagers, mais dans un environnement plus spacieux. Les passagers disposaient d'une cuisine, de toilettes séparées. Des radeaux étaient disposés dans les ailes à proximité des réacteurs et des gilets de sauvetage étaient placés sous chaque siège. Enfin, par rapport aux avions à hélices, le Comet se montrait silencieux et dépourvu de vibrations.

    Le premier appareil de série, G-ALYP, vola pour la première fois le 9 janvier 1951. La certification fut obtenue le 22 janvier 1952. Le 2 mai 1952, le Comet fut le premier avion de ligne à réaction à être mis en service, et ce entre Londres et Johannesburg par BOAC. Il se montrait 50% plus rapide que le DC-6, volait plus haut que ses concurrents à hélice et se montrait plus économe et moins bruyant. Lors de sa première année d'exploitation, il transporta 30 000 passagers, dont la reine Elizabeth le 30 juin 1953. A cette époque, la BOAC faisait partir 8 Comet par semaine. D'autres compagnies aériennes, à l'étranger, s'intéressait au Comet, dans des variantes plus évoluées (Comet 1A, 2 et 3).

    Le 26 octobre 1952 marqua le début des ennuis du Comet. Ce n'était pas encore trop grave, il s'agissait d'un décollage raté à Rome qui n'entraîna que 2 blessés légers, même si l'appareil était irrécupérable. Mais le 3 mars 1953, un Comet 1A de Canadian Pacific Airlines, connut le même problème et entraîna la mort des 5 membres d'équipage et de 6 passagers : ce fut le premier crash mortel d'un avion de ligne à réaction. A l'époque, ces accidents furent attribués au manque d'expérience des pilotes quand au meilleur moment de rotation au moment du décollage. De Havilland redessina les ailes, et rajouta des cloisons sur l'extrados.

    Le 2 mai 1953, un Comet 1 au départ de Calcutta s'écrasa après 6 minutes de vol, tuant ses 43 occupants. Les témoins rapportèrent que l'avion avait perdu ses ailes, ce qui incita les enquêteurs à pencher pour une faiblesse structurelle. 2 crashs en 1954 firent les journaux de l'époque : celui du premier exemplaire de série le 10 janvier 1954 au départ de Rome, et celui du 8 avril 1954, où l'appareil s'écrasa dans la Méditerranée tuant ses 21 occupants. Le Premier Ministre Winston Churchill mit la Royal Navy à contribution pour retrouver les épaves afin de déterminer les causes des accidents.

    Ce fut finalement le comité dirigé par Lord Cohen qui trouva l'origine du problème : les hublots carrés, qui avaient tendance a concentrer l'effort structurel, et qu'il fallait remplacer par des hublots ovales. Pour parvenir à cette conclusion, outre l'examen des épaves, on avait plongé la cellule du G-ALYU dans un immense réservoir d'eau. La structure du Comet 1 pouvait lâcher n'importe quand entre 1000 et 9000 cycles, ce qui était le cas des appareils qui s'étaient écrasés.

    En conséquence, les Comet 1 et 1A furent retirés du service et ferraillés pour la plupart. Le Comet 2, qui avait volé en 1953, disposait de hublots ovales, mais cela n'empêcha pas la plupart des compagnies d'annuler leurs commandes de cette version. Sa structure fut renforcée afin de diminuer l'effet de la fatigue. En définitive, la plupart des compagnies aériennes se tournèrent plutôt vers le Comet 4, plus performant que le Comet 3. La carrière du Comet reprit donc en 1958, 4 ans après l'interruption des vols.

    Les commandes commencèrent à décliner au début des années 1960. Sur 114 Comet construits jusqu'en 1964 (prototypes compris), 76 étaient des Comet 4. Les vols avec passagers durèrent jusqu'en 1981 : Dan-Air fut un temps l'unique utilisatrice des 49 Comet toujours en service. Le dernier vol enregistré d'un Comet eut lieu le 14 mars 1997 : il s'agissait de l'exemplaire "Canopus", appartenant au ministère de la technologie et servait de banc d'essais volant.

    Le Comet fut impliqué dans 26 crashs, dont 13 causèrent la mort de 426 personnes. 10 appareils ont survécus jusqu'à nos jours, dont 3 Comet de première génération et 7 Comet 4.

    Outre qu'il ait servi de base au Hawker Siddeley Nimrod, un avion de patrouille maritime, le Comet eut sa propre carrière militaire. Le Canada fut son premier opérateur : son 412e squadron utilisa 2 Comet 1A de 1953 à 1963, période pendant laquelle ils furent convertis au standard 1XB. L'Arabie Saoudite utilisa un Comet 4C pour le transport royal, de 1962 à 1963, date à laquelle l'appareil s'écrasa.

    Enfin, la RAF fut le principal utilisateur militaire du Comet, en particulier dans sa version C2. Il entra en service en 1956 au sein du 216e squadron. Il équipa également le 192e squadron (brièvement, en 1957 et 1958), puis le 51e squadron à partir de 1958. Il fut retiré du service en 1975. Il servit également au sein du Royal Aircraft Establishment.


    Versions :

    DH-106 Comet : Prototypes, 2 exemplaires. Train d'atterrissage principal à une roue.

    Comet 1 : 1ere version de série, hublots carrés. 12 Comet 1 et 10 Comet 1A.

    Restés très proches des prototypes, ils s'en différenciaient par un train d'atterrissage principal à 4 roues. Ils étaient motorisés par 4 réacteurs Ghost 50 Mk 1 et pouvaient emporter plus de 40 passagers.

    Le Comet 1A était un Comet 1 avec une MTOW augmentée et davantage de carburant. Les Comet 1 et 1A furent tous retirés du service après les accidents de 1954, mis en cocon, testés et pratiquement tous ferraillés.

    4 Comet 1A virent leur fuselage renforcés et leurs hublots remplacés par des hublots ovales. Ils prirent le nom de Comet 1XB. L'unique Comet 1 à avoir survécu jusqu'à nos jours au complet est un Comet 1XB.

    La force aérienne canadienne avait commandé 2 Comet 1A, dont la structure fut particulièrement renforcée après les accidents de 1954. Ils prirent alors la désignation Comet 1X. Les Comet 1X et 1XB avaient malgré tout une durée de vie limitée.


    Comet 2 : Version légèrement agrandie et motorisée avec des Rolls-Royce Avon, 44 passagers.

    Le prototype, désigné Comet 2X, était un Comet 1 motorisé par des Rolls-Royce Avon 502 turbojet.

    Le Comet 2 était plus long de 0,94 m, et l'aile était elle-aussi légèrement plus grande afin d'emporter davantage de carburant. L'appareil était ainsi mieux adapté aux trajets transatlantiques. Le premier exemplaire de série vola le 27 août 1953.

    BOAC en commanda 12 exemplaires, mais 8 d'entre eux furent finalement alloués à la RAF. BOAC utilisa 2 Comet 2E, qui étaient motorisés par 2 Avon 504 en position intérieure et 2 Avon 524 en position extérieure.

    Après les accidents de 1954, les Comet 2 furent reconstruits avec une structure renforcée, des hublots ovales, et des entrées d'air agrandies pour les Avon.

    Comet 3 : Comet 2 allongé de 4,7 mètres et motorisé par des Avon 502. 1 seul exemplaire.

    Le Comet 3 vola pour la première fois le 19 juillet 1954. Un seul exemplaire, G-ANLO, fut achevé. Un second exemplaire servit de cellule d'essais statiques. 9 autres cellules ne furent jamais achevées.

    G-ANLO servit d'abord pour des tournées promotionnelles, puis comme banc d'essais volant jusqu'en 1973.

    Comet 4 : Dernière version de série.

    Le Comet 4 se présentait comme une version améliorée du Comet 3 avec davantage de carburant. Par rapport au Comet 1, elle était allongée de 5,64 m, ce qui lui permettait d'emporter entre 41 et 81 passagers. En comparaison, le Comet 1 n'en emportait qu'entre 36 et 44. La variante 4C permettait d'emporter jusqu'à 119 passagers.

    La BOAC reçut ses premiers exemplaires le 30 septembre 1958. 76 exemplaires furent construits, dont 18 Comet 4B (fuselage allongé de 2 mètres mais envergure réduite) et 23 Comet 4C (fuselage du Comet 4B et aile du Comet 4). 7 exemplaires ont survécus.

    Comet 5 : Projet d'une version au fuselage élargi pour 5 sièges de front, flèche de l'aile plus prononcée. Jamais construite.

    Comet C2 : 8 Comet 2 destinés d'abord à la BOAC et reversés à la RAF.

    Comet T2 : 2 Comet 2 pour la RAF, destinés à l'entraînement. 1er vol le 9 décembre 1955. Ils furent les premiers exemplaires livrés à la RAF.

    Comet 2R : 3 Comet 2 modifiés avec des systèmes de surveillance électronique. Ils remplirent des missions d'espionnage du Pacte de Varsovie à partir de 1958. Ils furent utilisés par les squadrons 51 et 192.

    DH-111 Comet Bomber : Projet d'une version bombardier nucléaire.

    Le Ministère de l'air émit la spécification B35/46 réclamant un bombardier nucléaire. De Havilland proposa un dérivé du Comet 1 le 27 mai 1948.

    Il trouvait son origine dans le PR Comet, un projet de version de reconnaissance photographique à haute altitude. Le fuselage était plus étroit, l'appareil motorisé par des Ghost DGT3 plus puissants, un nez bulbé contenait un radar H2S Mk IX et l'équipage de 4 hommes prenait place dans un cockpit pressurisé avec une verrière en bulle. Enfin, il avait une capacité en carburant de 11000 litres lui donnant une distance franchissable de 5400 km.

    Mais le Royal Aircraft Establishment doutait sérieusement de la capacité du DH-111 à emporter une charge militaire conséquente et le Ministère de l'Air le jugeait redondant par rapport aux V-Bombers : le programme fut annulé le 22 octobre 1948.




    https://fr.wikipedia.org/wiki/De_Havilland_Comet


    http://www.avionslegendaires.net/avion-militaire/de-havilland-dh-106-comet/


    https://en.wikipedia.org/wiki/De_Havilland_Comet


    http://www.aviastar.org/air/england/hawker_comet.php


    http://www.dehavillandmuseum.co.uk/aircraft/de-havilland-dh106-comet-1a/


    http://www.dehavilland.co.za/DH106_Comet.html


    http://www.flugzeuginfo.net/acdata_php/acdata_dh106_en.php
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  • La fiche sur le site

    Le coup des hublots carrés me semble difficilement prévisible, du moins pour l'époque.
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  • Merci Clansman.
    50 ans de service, on ne peut pas dire que le Comet ait traversé notre ciel comme une étoile filante… :shock:

    Le coup des hublots carrés me semble difficilement prévisible, du moins pour l'époque.
    Oui et non: si ce n'était pas forcément évident pour l'aéronautique, les portes ou même les bâtiments en voutes étaient connus depuis longtemps pour mieux supporter les contraintes. Les hublots circulaires sur les navires également. On peut imaginer que ça puisse également être plus résistant pour des fuselages d'avions. :?
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  • Merci pour cette fiche historique Clans. :)
    ¤ Nicolas Sur AMN : Nico2, inscrit le 09 Jan 2006, 16:45>> N'oubliez pas de lire et de relire le Règlement du forum.>> N'oubliez pas de consulter les index des sujets avant de poster les vôtres.
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  • J'ai toujours beaucoup aimé le Comet, Un avion étrange, avec un look à la fois très moderne (ailes en flèches, aérodynamique soignée), et "so old fashionned", avec ses empennages droits.

    Il eut une grande importance pour la construction aéronautique française, puisque Sud Aviation obtint la licence pour le nez du Comet, qu'elle "greffa" sur la Caravelle. Si vous regardez bien, vous verrez assez nettement que les deux nez et postes d'équipage sont identiques.

    Concernant les accidents des Comet I, notamment des YP et YY, contrairement à une idée assez répandue, les fissures n'ont pas commencé autour des hublots, mais aux coins des découpes pour les antennes ADF, sur le dos du fuselage. Un diagramme dans le Airliner Tech n°7 sur le Comet montre clairement les fissures et leur propagation. La confusion avec les hublots peut venir du fait que dans certains documents, notamment les rapports du RAE Air Accident Investigation Board (l'équivalent britannique de notre BEA) on décrit ces découpes pour les antennes ADF comme "ADF windows".
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  • Merci pour cette info JFF! :top:


    Et alors Clans, on radote?… :drill: *



    * : Voilà, je l'ai fait pour Nico2… :D
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  • Mais euh ! ! :mrgreen:

    Bon, j'ai corrigé directement sur le site. Merci JFF !
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