Sud-Ouest SO.4060

  • En 1953, la SNCASO a le vent en poupe avec son SO.4050 "Vautour", dont 360 exemplaires sont commandés. C'est donc tout naturellement qu'elle planche sur un successeur, cette fois supersonique.

    Un "Vautour" modifié est d'abord envisagé, mais l'équipe de Jean-Charles Parot se décide pour un avion entièrement nouveau : ce sera le SO.4060. Il ne fut jamais officiellement nommé "Super Vautour", mais ce surnom est resté. Un concours pour lui trouver un nom de baptême fut organisé au moment de la construction, mais le résultat n'est pas connu.

    Les premiers dessins montrent un appareil à ailes delta hautes et entrée d'air frontales. Une maquette au 1/16e est testée en soufflerie à Suresnes en mars 1954 et finalement, ce sont des entrées d'air latérales et une aile en flèche basse qui sont retenues.

    L'Armée de l'Air s'intéresse au SO.4060 et publie le 16 mars 1955 une fiche-programme à la seule SNCASO pour un intercepteur tout-temps capable de Mach 1,3 à 15000 m d'altitude, à l'horizon 1960.

    Le SO.4060 entre dans la catégorie des chasseurs lourds : c'est un biplace en tandem biréacteur. Le train d'atterrissage est bien entendu tricycle et rétractable. Les deux réacteurs, des Atar 101G-1 de 4400 kgp chacun, sont alimentées par des entrées d'air de chaque côté du cockpit, en demi-cercle. Un moteur-fusée SEPR 81 de 3000 kgp est prévu pour faciliter l'accélération au moment de l'interception.

    Les ailes sont en flèche et dépourvues de dièdre : elles sont en position médiane, fixées à la partie inférieure du fuselage. Très intéressant, elles sont pourvues de saumons pivotants aux extrémités pour contrôler le roulis, comme celles testées sur le Short SB.4 Sherpa.

    L'empennage est constitué d'une dérive unique, en flèche, et de plans horizontaux stabilisateurs en flèche, sans dièdre, fixe sur la partie basse du fuselage et plus bas que les ailes. Côté armement, aucun canon ou mitrailleuse n'est prévu : seuls 2 missiles air-air (Matra R 511 ou Nord 5103) seront logés dans une soute ventrale. L'avion est comparable à un F-4 Phantom II (au moins par la taille), à un Gloster Javelin ou un F-101 Voodoo.

    Dès la fin 1955, deux autres versions sont proposées : le SO.4060M monoplace embarqué, ainsi que le SO.4060B biplace de bombardement. Le 18 janvier 1956, deux, peut-être trois, prototypes du SO.4060 sont commandés. Le vol inaugural est prévu vers le 15 octobre 1957.

    Cependant, les progrès techniques étaient tels que le 27 juin 1956, l'Armée de l'Air exigea un appareil capable de Mach 2. En effet, l'Atar 9 qui vient de sortir est capable de Mach 2, contrairement à l'Atar 101 plus limité. Or, Sud-Ouest n'ayant pas anticipé un tel cas, le SO.4060 était prévu pour Mach 1,5.

    La construction du premier prototype était trop avancée pour inclure les modifications que ça impliquait. Le second prototype serait modifié en conséquence, mais alourdi. Le SO.4060M, trop lourd, fut remplacé par une version allégée, le SO.4062. Le premier SO.4060B au nez vitré, voué à l'échec, fut remplacé par un autre SO.4060B en octobre 1957.

    Ce second SO.4060B avait été conçu pour répondre au programme de bombardier de frappe nucléaire (de "représailles" comme on disait à l'époque) lancé par l'Armée de l'Air en 1957. Hélas pour Sud-Ouest, elle allait devoir compter avec un concurrent redoutable : le Mirage IV. Le Mirage III volait depuis novembre 1956 et le prototype du Mirage IV fut commandé 10 jours après.

    1957 vit une baisse du budget militaire de près de 20 milliards de francs, ce qui se traduisit par une baisse du nombre de "Vautour" commandés (300 au lieu de 360), puis une autre baisse qui condamna des programmes comme le Leduc, le Trident, ou encore à terme le "Griffon". Le SO.4060, pourtant avancé technologiquement, était surpassé par le Mirage IV. Dassault s'accordait davantage de liberté d'action que la SNCASO, et en plus construisait ses prototypes sur fonds propres à la différence de Sud-Ouest qui exigeait que l’État, son propriétaire, finance intégralement le projet dans son ensemble.

    Le 22 août 1957, une note de l’État-major expliquait que l'Armée de l'Air abandonnait le concept du chasseur lourd, étant donné qu'un intercepteur léger comme le Mirage III pouvait remplir la même mission tout en étant plus polyvalent et moins cher. Ce fut le coup de grâce du SO.4060.

    L'Armée de l'Air préférant une flotte homogène, et donc un fournisseur unique, les Mirage III (qui volait déjà) et IV (plus prometteur) furent préférés au SO.4060 de chasse et de bombardement. La Marine n'ayant pas les moyens financiers de développer seule un appareil, le SO.4060 embarqué passa lui aussi à la trappe.

    Le Trident et le SO.4060 abandonnés (officiellement le 25 octobre 1957 dans ce dernier cas), la commande de "Vautour" ramenée à 160, puis 140 exemplaires début 1958 firent comprendre à Sud-Ouest qu'elle était condamnée à court terme. Sud-Ouest tenta de sauver le SO.4060, soit comme banc d'essais volant à Mach 2 (au profit du futur Concorde par exemple), soit comme remplaçant en cas d'échec du Mirage IV.

    D'autres versions furent proposées : le SO.4060B-IV et le SO.4060 "Robot" tous deux non pilotés, le SO.4061 à l'autonomie augmentée, et même un SO.4070 dont on ne sait rien sinon qu'il était encore plus ambitieux et qu'il n'avait plus de rapport avec le SO.4060. Mais tous ces projets nécessitaient entre 2 et 3 ans de mise au point, coûtaient entre 1,5 et 3 millions de francs, et surtout renforçaient la critique de la Direction Technique et Industrielle, qui estimait que Sud-Aviation faisait trop d'études et pas assez d'avions… Le prototype SO.4060-01, inachevé, fut ferraillé.

    Le SO.4060 fut le dernier avion de combat construit (mais non achevé) par une société nationale en France. Il échoua à cause du manque de prévoyance quand aux progrès des moteurs (un maquettiste a d'ailleurs remarqué que l'Atar 9 était trop gros pour le SO.4060), de la frilosité financière de Sud-Aviation et de ses mauvais rapports avec les services officiels. Il consacra, malgré lui, la victoire de Dassault comme fournisseur quasi-unique d'avions de combat pour l'Armée de l'Air.


    Versions :

    SO.4060-01 : Premier prototype, proposé en 1955.

    17 mètres de long pour 15 tonnes en charge (10 tonnes à vide), vitesse maximale de Mach 1,5.

    SO.4060-02 : Deuxième prototype, proposé en décembre1956.

    Les progrès techniques rattrapèrent le programme et l'Armée de l'Air exigea un appareil Mach 2. Les modifications furent les suivantes : réacteurs plus puissants (qui remplacent également le moteur-fusée), sièges éjectables Martin-Baker Mk.4 à la place des Ouest-Aviation E 111, suppression de la soute.

    Les entrées d'air furent pourvues de cônes générateurs d'ondes de choc pour les grandes vitesses (qui les font ressembler à celles du futur TSR.2). Mais la SNCASO est d'abord opposée à leur installation, ce qui provoque de véritables disputes avec les services officiels.

    18 mètres de long pour plus de 16 tonnes en charge, 11 tonnes à vide, réacteurs Atar 9 de 6000 kgp et vitesse de pointe de Mach 1,7 voire Mach 2,2.

    SO 4060-04 : Version à l'étude, avec des missiles Matra semi-encastrés sous le fuselage, ou deux autres en soute juste derrière le cockpit.

    SO.4060B : Version de bombardement, proposée fin 1955.

    Cette version était également biplace, mais le deuxième membre d'équipage était placé dans un nez vitré et gérait un système de navigation et de visée Dervaux. Cependant, aucun radar n'aurait pu être installé et le système Dervaux était voué à l'échec. Le SO.4060B fut remplacé par un autre SO.4060B en octobre 1957.

    Mêmes dimensions et mêmes moteurs que le SO.4060 02, mais masse à vide inférieure à 9 tonnes pour une masse maximale supérieure à 20 tonnes. Capable de Mach 1,7.

    SO.4060B-IV : Version sans pilote proposée en mars 1957.

    Destinée à contrer le Mirage IV, cette version sans pilote avait le même poids que le SO.4060B, était légèrement plus court, avait des moteurs Super Atar M 28 de 6400 kgp chacun qui le propulsait à Mach 2.

    SO.4060M : Version navalisée, dérivée du premier prototype. Proposé fin 1955.

    Le SO.4060M répond au projet de la Marine Nationale d'acquérir 3 porte-avions (le Foch et le Clémenceau seront construits, mais pas le dernier, le PA58). Le SO.4060M est monoplace, voit sa cellule renforcée et ses moteurs échangés contre des Atar 9 de 6000 kgp. Il doit aussi emporter la bombe Sud-Aviation B 10 et disposer d'un système de navigation et de bombardement avancé, remplaçant le second membre d'équipage. Mais cette version est trop lourde (19 m de long, près de 10 tonnes à vide) et est remplacée par une version allégée, le SO.4062.

    SO.4060N : Version de chasse de nuit (N pour Nuit). Nom parfois donné à la version de base après la multiplication des versions.

    SO.4060 "Robot" : Version simplifiée, sans pilote. Proposée en janvier 1958.

    Dépourvu de train d'atterrissage et de soute, il s'agissait plutôt d'un missile.

    SO.4061 : Version bombardier agrandie de 120%, destinée à améliorer l'autonomie limitée du SO.4060.

    L'engin fait 23 mètres de long pour une masse en charge de 36 tonnes. 2 réacteurs Super Atar M26 de 8500 kgp chacun devaient le propulser à Mach 1,8 voire Mach 2. Son rayon d'action aurait été de 2000 km.

    SO.4062 : Version navalisée, plus légère que le SO.4060M. Proposée en 1957.

    Le 4062 fait 17,5 m de long et pèse moins de 9 tonnes à vide. Il garde la même motorisation que le SO.4060M, mais des Super Atar M 28 de 6400 kgp auraient pu remplacer les Atar 9. En mars 1957, un système de soufflage des volets fut étudié conjointement avec l'ONERA.

    SO.4070 : Version très ambitieuse, n'ayant plus de rapport avec le SO.4060.




    Le Fana de l'Aviation n°455, octobre 2007.

    http://maquette72.free.fr/amis/Gaetan/2011_16_supervautour/index_ao16.php


    http://lost-aviation.blogspot.fr/2010/05/sncaso-so-4060-super-vautour.html


    http://www.secretprojects.co.uk/forum/index.php/topic,35.0/nowap.html
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