La barre à mine

  • Emporté par ma volonté de recoller un peu à ce distingué forum (et peut-être aussi de mériter mes médailles) j’ai lu quelques topics que je délaisse habituellement, et en particulier celui-là :

    <!– l –><a class="postlink-local" href="http://forum.aviationsmilitaires.net/viewtopic.php?f=19&t=775
    ">viewtopic.php?f=19&t=4851</a><!– l –>

    Ah les armes, et leur capacité à blesser ou à tuer. :blesse:

    Bon, je ne vais pas me remettre en colère. 8) :wink:

    Il est évident que pour la plupart d’entre vous, vos informations proviennent de vos lectures et bien sûr du net.
    Que vous dire de plus sur un sujet qui me passionne bien peu ? :interr:

    Déjà ceci :
    Un simple cartouche de 22LR au bon endroit (au mauvais pour la victime) en a tué plus d’un sur le coup.
    A contrario, bon nombre d’individus normalement constitués ont survécu sans séquelles, à une longue rafale d’AK47.
    Vous voyez, on peut relativiser l’effet meurtrier des armes que vous évoquez.

    Et puis tenez, tiens, je vais vous raconter une histoire qui, bien qu’en apparence hors sujet, est passionnante à bien des égards. Elle est peu connue du grand public,

    …et pourtant :

    Dans le milieu du XIXème siècle, sur un chantier ferroviaire quelque part dans le Vermont, un foreman (celui qui fore les trous de mine) est à l’œuvre.
    Peu avant d’avoir atteint la profondeur requise, il s’absente un moment pour une raison ou une autre.
    Survint alors un artificier qui, pensant le trou terminé, y introduisit la charge d’explosif prévue puis alla garnir un autre trou à quelque distance.
    De retour sur son chantier, le foreman reprit son outil pour parachever son travail.
    Au premier coup, la charge explosa et la barre à mine jaillit du sol comme un obus de son canon.
    (Les barres à mine en service à cette époque sont des tiges d’acier de section prismatique, 1 pouce ¼ de diamètre (32 mm), 3 pieds 7 pouces de long (107cm) pour une masse de 13 livres ½. (6,750kg))
    Elle pénétra le crâne du malheureux sous l’œil gauche, sectionna le nerf optique et ouvrit enfin un volet (« grand comme la pomme de la main ») dans la boite crânienne non sans avoir emporté au passage la moitié gauche du cerveau frontal. :o
    Les camarades accourus sur les lieux furent terrorisés par l’horrible blessure.
    Ils le furent plus encore en constatant que l’homme était encore vivant. Choqué mais encore à demi-conscient.
    Un jeune médecin, appelé d’urgence, n’en crût pas ses yeux tant ce qu’il vît fût en contradiction avec tout ce qui avait appris en de longues années de faculté.
    Dès lors, conscient d’être en présence d’un cas unique, il nota toutes ses observations ;
    Il fit transporter le blessé à son cabinet et lui prodigua des soins auxquels ses études ne l’avaient pas préparé. Il se borna donc à colmater l’horrible brèche osseuse "avec du papier huilé" et attendit.

    Le lendemain il était toujours vivant.
    Le jour d’après il avait repris tous ses esprits.
    Et la récupération fut telle qu’après dix semaines, le médecin le déclara apte à reprendre le travail.
    L’homme quitta néanmoins le chantier quelques temps après et mourut 12 ans plus tard d’une crise d’épilepsie non sans avoir effectué entre temps différents métiers.

    Epilogue
    C’est volontairement que j’interromps là ce qui pourrait vous sembler un étonnant fait divers.
    Pourtant, il révolutionna, non pas la neurochirurgie comme on pourrait le croire mais la neurologie et fût la pierre angulaire de cette moderne discipline qu’on appelle « les neurosciences ».
    Pour ceux qui veulent en savoir plus (et dieu sait si le « plus » est aussi étonnant que passionnant) je vais vous livrer tous les indices nécessaires :

    Le foreman se nommait Phineas Gage
    Le médecin se nommait John Martyn Harlow.
    Celui qui a exhumé cette histoire se nomme Antonio Damasio, , assisté de son épouse.
    (Le CV de ce garçon ne comporte pas moins de 10 pages !)
    Allez, à vos recherches, vous ne serez pas déçus par cette incroyable aventure humaine auprès de laquelle les armes vous paraitront bien secondaires.
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  • Cette anecdote, et le nom de la personne me rappelle quelque chose, en effet.

    Merci de nous la rappeler, ainsi que la morale qui s'en dégage. :wink:
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  • Dans le même genre, il me semble qu'aux Etats-Unis, un jeune noir avait été agressé avec un couteau, qu'on lui avait planté dans la tête, et en fait la lame n'avait touché aucune partie importante. J'avais vu ses radios aux infos.
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  • Je crois que cette personne a ensuite présenté des troubles du comportement avec une modification de la personnalité et du caractère (plus violent, inconscient, etc) En tout cas je me souviens d'un cas similaire où c'est ce qu'il s'est produit….

    Dans le même genre, un Sénégalais, a semble t-il été victime d'une agression où on lui a coupé la verge à la machette. les médecins sont parvenus à lui greffer un nouveau memebre parfaitement fonctionnel. Etonnats les progrès de la science….
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  • La suite, pour ceux qui ont eu la flemme de chercher :

    Effectivement, après sa reprise de travail, Phineas gage montra un caractère et une personnalité diamétralement opposés à ce que ses camarades avaient toujours connu :
    Un garçon courtois, aimable, croyant pratiquant, très puritain était devenu grossier, acariâtre, iconoclaste au point « qu’on écartait de lui les dames de bonne éducation ».
    La seule hypothèse que le docteur Harlow vit à ce comportement était que la pensée était liée au corps cérébral, qu’elle n’était donc que le produit d’une réaction electro-chimique.
    Hypothèse impossible à soutenir au XIXème siècle dans cette Amérique de la cote est, victorienne, baptiste et puritaine.
    Mais le cas restait unique dans l’histoire de la médecine, aussi, quelques années après la mort du malheureux, son crâne fut récupéré par une université américaine.
    Un siècle plus tard, en 1994, Hanna Damasio, Pr de neurologie et de neurosciences auprès de plusieurs grandes universités US (et épouse d'Antonio) récupéra le crâne, entreprit de le modéliser afin de reconstituer le trajet de la barre à mine et déterminer ainsi la zone du cortex frontal lésé, zone susceptible d’accueillir « la pensée ».

    http://content.nejm.org/content/vol351/issue23/images/data/e21/DC1/e21v2.mpg


    Comme en témoignent les presque 100 000 pages renvoyées par google avec le seul nom de « phineas gage » comme entrée, (et 210 000 avec « antonio Damasio) cette histoire a bouleversé le monde de la neurologie et plus généralement celui des sciences humaines.
    Jamais dans l’histoire humaine un cas médical a soulevé tant de débats et de controverses, tant sur le plan médical que philosophique ou même religieux.
    Et c’est bien loin d’être terminé.
    Voili voilou,
    Il m’a semblé intéressant de vous en faire part. 8)
      Lien   Revenir ici   Citer modifié par pennan le 19 mai 2009 22:39
  • C'est intéressant car quand on regarde ,certains de ces types d'accidents arrivent 3 fois sur 5 ou la personne survit bien que son mental change ou son physique ,et bon ,la science du physique évolue plus vite que celle du mental donc voilà ,bientôt ,des machines liront nos pensées et détermineront notre façon de vivre et diagnostiquera sans l'aide humaine ^^
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  • L'histoire est également racontée dans L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, d'Oliver Sacks, avec un certain nombre d'autres anecdotes du même acabit.
    Et tous ces points d'exclamation, vous avez remarqué ? Cinq ! C'est la marque d'un aliéné qui porte son slip sur la tête. L'opéra fait cet effet à certains.Terry Pratchett
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